Lors du 20 H de France 2, en date du 05 avril 2023, un reportage intitulé “Enfants hyperactifs : un médicament qui fait débat” a été diffusé. J’ai trouvé ce dernier symptomatique du traitement du TDAH dans les médias, de part le point de vue journalistique, ainsi que d’un point de vue éthique. Je vous invite à aller le visionner et vous faire votre propre opinion :
Reportage Enfants-hyperactifs-un-medicament-qui-fait-debat
L’association Hypersupers présentée dans le reportage a répondu sous la forme d’une lettre ouverte

De mon côté, j’avais envie de revenir ici sur quelques points essentiels, pour expliquer en quoi il s’agit d’un reportage malhonnête à la démarche fallacieuse.
Une non-reconnaissance du TDAH
Tout commence avec cette phrase qui donne le ton :
” Pour certains médecins, cela devient alors un trouble : le TDAH.”
Cette phrase sous-entend très clairement que ce trouble n’est pas une réalité médicale, mais simplement la justification de “certains médecins”. La voix off met bien en avant que le fait d’être “agité, inattentif, impulsif…sont des traits de caractère que de nombreux parents retrouvent chez leurs enfants”… ce qui a pour but de banaliser ces caractéristiques. C’est le fameux “tout le monde a ça” que les personnes TDAH entendent régulièrement.
Autre point de dialectique à signaler, le reportage est au conditionnel. La journaliste ne dit pas un “trouble qui gêne”, mais “qui peut gêner”, encore une fois, dans le but de minimiser l’importance du TDAH et, par la même occasion, la souffrance des personnes atteintes.
Globalement, le reportage présente le TDAH comme une caractéristique, un trait de personnalité, et non comme un véritable trouble. C’est une des nombreuse raison qui fait que je le qualifie comme un reportage malhonnête …
Le médicament : source de tous les maux
On rentre ici dans le vif du sujet : le traitement à base de méthylphénidate serait dangereux. En termes de manipulation, l’équipe rédactionnelle a tout donné :

- On donne des chiffres sans le contexte et sans explications pour faire peur aux gens : “Le nombre de boîtes de méthylphénidate délivrées à des patients mineurs a augmenté de 62 % entre 2016 et 2021. Cette année-là : 150 823 jeunes patients de moins de 19 ans, en consommaient. Des garçons à 80 %”.
Quand une personne non informée entend ça, elle se dira qu’on prescrit à outrance un médicament pour une maladie, dont l’existence reste à prouver. Mais le reportage omet certains points essentiels pour appréhender le contexte dans sa globalité. Ainsi, il faut bien comprendre que la France avait beaucoup de retard par rapport à d’autres pays comme les États-Unis et le Canada concernant la prise en charge et le diagnostique du TDAH. Le changement de régulation sur la prescription du médicament ainsi qu’une meilleure prise en charge des patients expliquent l’augmentation du nombre de personnes diagnostiquées TDAH suivant un traitement médicamenteux. - Puis vient le moment témoignage d’une famille dont l’enfant à qui on a prescrit le traitement à mal réagi. “Ça nous a détraqué Hugo, affirme-t-elle. Il était pétri de tocs.”
L’honnêteté intellectuelle aurait été de dire en outre à quel point ce traitement améliore la vie de nombreuses personnes au quotidien. Jouer sur l’émotion d’une famille, c’est ignorer la souffrance rencontrée par l’immense majorité des patients qui ont besoin de ce traitement. On a l’impression que les journalistes ont recherché un patient qui a mal réagi au traitement, ce qui en fait, selon moi, un reportage à charge dénué d’objectivité.
Des professionnels de la santé dépeints comme des charlatans

On continue à aller toujours plus loin dans le manque de rigueur journalistique. Se faisant passer pour les parents d’un enfant ayant des symptômes, on assiste à une scène surréaliste. Un psychiatre spécialisé facture une téléconsultation à 140 euros, et affirme aux faux parents que leur enfant a sûrement un TDAH et que la prise de médicaments est nécessaire. Cela suscite notamment deux questions :
- Quel professionnel pose un diagnostique sans rencontrer l’enfant, de surcroît en une seule séance en visioconférence ?
- À quel moment passer le test ASRS coûte 140 euros ?
Le visage flouté, la voix trafiquée, aucune indication quant à l’identité de ce professionnel de santé et, encore une fois, j’ai l’impression que ces journalistes ont tout fait pour obtenir le résultat qui correspondait à leur opinion sur le sujet.
Traitement du TDAH dans les médias : Une association incromprise
On présente, il me semble encore une fois dans une cette partie l’association TDAH-France-Hypersupers d’une manière tronquée. Il est dit “S’il est plus facile de prescrire aujourd’hui du méthylphénidate, c’est en partie grâce à l’influence d’une association référente sur le TDAH.” La journaliste se rend à l’assemblée générale de l’association TDAH-France-Hypersupers afin d’interviewer sa présidente Christine Gétin, qui répond avec habilité à ses questions orientées.




Conclusion sur le traitement du TDAH dans les médias …
Je le répète, mais ce type de contenu n’est pas digne d’une rédaction professionnelle. Je m’adresse aux personnes responsables de ce reportage malhonnête : sachez qu’en diffusant un tel contenu, vous culpabilisez les parents dont les enfants bénéficient d’un traitement médicamenteux et vous sapez les efforts entrepris pour améliorer leurs conditions de vie au quotidien et au niveau de leur apprentissage scolaire. Il me semble qu’un erratum serait nécessaire suite à votre reportage.
Le chemin pour faire bouger les mentalités est encore long. En attendant, il est important de continuer à faire connaître ce trouble, à informer et à sanctionner quand des erreurs sont commises, comme c’est le cas avec ce reportage.
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